Celia
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Mon père est né en 1961 dans une famille de paysans à
Nunomoral en Espagne. Il vivait à Rubiacco, un petit village jouxtant une
rivière dans les plateaux arides de la région d’Extramadur. Il faisait très
froid la nuit à l’inverse du jour où les températures pouvaient aller jusqu’à
40°C. Les gens faisaient donc la sieste et se retrouvaient dehors le soir.
Mon père était
l’avant dernier d’une fratrie de cinq enfants (6 au départ, mais l’aînée était
morte noyée à 3 ans). Ils n’étaient pas riches et les enfants ne recevaient
parfois pour Noël qu’une simple orange mais qui était, pour eux, un magnifique
cadeau.
Mes grands parents travaillaient énormément (plus de 13
heures par jour) sur des terrains qu’ils louaient à de grands propriétaires et sur
lesquels ils cultivaient du coton, du tabac, du maïs,… Mais pour louer le
terrain, ils devaient donner plusieurs tonnes de coton et ce qui leur restait
ne leur faisait pas gagner suffisamment d’argent.
En l’année 1967,
sous la fin du règne de Franco, n’ayant vraiment plus assez d’argent, pensant
ainsi mieux vivre et avant tout pour que ses enfants aient un bel avenir, mon
grand-père partit pour la France pour gagner mieux sa vie et trouver un
meilleur travail. De plus, sa sœur et son frère étant déjà en France, mon
grand-père savait qu’il y vivrait mieux. Ma grand-mère et ses enfants vécurent
alors deux ans sans leur père. Celui-ci leur envoyait des nouvelles par
courrier assez régulièrement car à l’époque le téléphone était beaucoup trop
cher. Il leur envoyait aussi de l’argent. De plus, il rentrait au moment des
vacances d’été (le mois d’août étant accordé à tous les ouvriers).
Deux ans plus tard, mon grand-père revint pour
le mois d’août mais au moment de repartir ma grand-mère en ayant assez décida
de repartir avec lui pour se trouver elle aussi un travail.
Ils laissèrent derrière eux leurs enfants (les plus âgés
s’occupaient des plus jeunes et le reste du village les aidait). Deux mois plus
tard, ma grand-mère revint chercher ses enfants pour les ramener en France,
sauf le plus âgé qui décida de rester en Espagne. Ils prirent alors un taxi car
ils avaient beaucoup de valises pour recommencer leur vie en France. Le taxi
s’arrêta à la frontière car il n’avait pas le droit d’aller plus loin. Ils se firent
alors fouiller. Puis on les laissa passer. Ils firent le chemin à pied jusqu’à
la gare de Lourdes et delà ils prirent un de ces vieux trains verts jusqu’à
Lyon. Ils arrivèrent en France le 6
octobre 1969.
Là-bas ils s’installèrent avec mon grand-père
dans un petit appartement à Villeurbanne à côté de Lyon mais leurs premières
années en France furent elles aussi assez difficiles. Mon père dut d’abord
redoubler pour passer son CP en France. Sa sœur, étant plus jeune que lui, n’eut
quant à elle pas besoin de redoubler. Mais
leurs camarades de classe se moquaient d’eux à cause de leur accent et tout
n’était pas simple. De plus, ma grand-mère travaillait en tant que femme de
ménage toute la journée et recommençait à travailler dès quatre heures du matin
le lendemain dans un café. Mon grand-père, quant à lui, cumulait trois emplois : il était ouvrier dans une usine d’assemblage de mobylettes
(l’usine Paris/Rhône), il aidait ma grand-mère en faisant du ménage et enfin il
déchargeait des camions dans les marchés car à l’époque on avait besoin de
beaucoup de main d’œuvre. Le plus dur fut pour une de mes tantes (l’aînée de
ceux qui étaient partis en France) puisqu’elle dut aller dans une école pour
apprendre le français et ne sentit jamais complètement à sa place en France.
Elle repartit donc quelques années plus tard en Espagne avec son mari.
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